Quel goûteur de mots, quel brodeur d'imaginaire ne s'est pas posé la question de savoir
pourquoi il racontait des histoires ?
Oh bien sûr, je pourrais vous dire que je suis tombé dans la marmite du conte quand j'étais petit. Mais il n'y avait pas de marmite à la maison. Pourtant, grand - père aurait pu raconter devant
le feu de cheminée et pour la millième fois de sa vie, comment il s'était débarrassé d'un ours polaire avec un lance pierre. Le froid, ajouté à l'angoisse du récit, nous aurait serrés les uns contre les autres. Sous la porte d'entrée, la bise aurait glissé quelques flocons de neige, juste de quoi apprécier la tiédeur d'un foyer dans un univers hostile et déchaîné. Mais autant que je me souvienne, les hivers sont doux dans ma Charente natale, et la neige se fait aussi rare que les ours polaires. L'un n'allant pas sans l'autre comme vous le savez. Reste grand - mère(c'est elle sur la photo), qui avait pour le verbe un talent particulier. Elle aurait semé à l'insu de mon plein gré,
un pan de ma destinée.
Après, ce fut une histoire de rencontres,
avec des conteurs, des auteurs,
des illustrateurs et toute une brochette
d'allumés du verbe et de l'illustration.
A l'heure d'Internet et des hautes technologies, le conte est un modèle de modernité. En effet, nulle part ailleurs, vous ne verrez un loup subir une césarienne dans le vif de son sujet sans que l'animal n'y trouve rien à redire. Et quelle capacité mes amis ! Vous pouvez lui retirer de sa bedaine rebondie une poignée de chevreaux hilares guère moins de petits cochons roses et frais, une grand - mère anémiée, un chaperon bouffi. Et avant de vous précipiter sur votre portable pour dénoncer le contentieux à la SPA, regardez-le, le bougre, il dort comme un bienheureux !
Ce qui est merveilleux dans le conte, c'est qu'avec des siècles d'imaginaire, il garde un teint de jeune garçon. On y parle d'amour, de vie, de mort. On y parle de nous quoi ! Et ma foi, si aujourd'hui encore il pète la santé, c'est qu'il est pétri d'humanité !